Souvenirs

Chronique

Ce disque est une relique, au sens presque religieux du terme. Il est l’œuvre posthume de Tsegue Mariam Gebru, une religieuse éthiopienne morte en 2023 à l’âge de 99 ans, et entrée au panthéon mondial de l’outsider music grâce à des morceaux de piano solo à nuls autres pareils (et à écouter en priorité sur le volume 21 de l'excellente série Ethiopiques, qui fut la première à révéler la musicienne en 2005). Souvenirs, compilation de chansons tirées des archives personnelles de Tsegue Mariam Guebru, n’est pas l’album le plus mémorable de la pianiste. Mais les fans l’apprécieront pour au moins une bonne raison : c’est le seul où elle chante en plus de jouer du piano. On ne va pas vous survendre la Hi-Res ou le confort d’écoute. Ces Souvenirs se rappellent à nous comme une vieille cassette asthmatique, avec du souffle, des bruits parasites et un son riquiqui. L’album tient plus de l’archéologie que de la production musicale. Cet enregistrement est un brouillon de ce qu’il aurait pu être avec plus de moyens techniques. Mais cette précarité ne doit pas empêcher l’écoute. C’est la même qu’on entend sur les enregistrements de musique des années 20 (du siècle précédent), de Daniel Johnston ou de toute la musique de l’Arte povera, faite maison, en amateur, sans pression, concession, ni artifice de production. L’essentiel est là. Ces huit chansons esquisses plongent l’auditeur dans une rêverie thérapeutique qui apporte la paix intérieure et un doux sourire. Et elles prolongent la relation passionnelle qu’on peut entretenir avec l’œuvre et le personnage de Tsegue Mariam Gebru. © Stéphane Deschamps/Qobuz